Natacha Callens, research manager à l'ESA
Natacha Callens a fait une thèse en cotutelle entre l’ULB et Sorbonne Université.
Elle est actuellement en poste à l’ESA (Agence spatiale européenne) et retrace pour nous son parcours, son recrutement.
Quel a été votre projet doctoral ?
J’ai effectué ma thèse en cotutelle dans le cadre de l’ED Sciences Mécaniques, acoustique et électronique de Paris (SMAE), sous la direction du Dr. Mauricio Hoyos du laboratoire de Physique et Mécanique des Milieux Hétérogènes (PMMH) de l’Ecole Supérieure de Physique et Chimie Industrielles de la ville de Paris (ESPCI) et le Dr. Frank Dubois du Microgravity Research Center (MRC) de l’Université Libre de Bruxelles (ULB). C’était une thèse expérimentale dans le domaine des sciences séparatives. L’objectif de ce travail consistait en l’étude des mécanismes de séparation, en continu et sans membrane, d’objets de taille micrométriques dans des séparateurs fluidiques. Ces séparateurs sont utilisés pour analyser l’eau polluée de certaines rivières et pourraient, dans un futur proche, permettre la séparation des plaquettes du reste du sang. J’ai soutenu cette thèse, le 22 décembre 2005.
Votre travail de thèse a donné lieu à un dépôt de brevet. Quelles conséquences cela a-t-il eu pour vous ?
Mon travail a effectivement contribué à l’obtention d’un brevet français sur une technique de séparation en continu et sans membrane. Lorsque l’on dépose un brevet, pendant toute la procédure administrative le secret professionnel s’impose. Durant ma dernière année de thèse, je n’ai pu ni présenter dans des conférences, ni publier dans des journaux scientifiques, le séparateur que nous avions développé. Lors de ma soutenance de thèse, nous avons demandé au jury ainsi qu’au public de respecter la confidentialité. Point positif : le dépôt du brevet a donné énormément de valeur au travail que j’avais réalisé. Une fois, le brevet accepté, j’ai pu, enfin et à plusieurs reprises, présenter notre technique de séparation ainsi que publier nos résultats.
Actuellement, vous êtes salariée de la société HeSpace, prestataire de service pour l’Agence Spatiale Européenne (ESA). Au sein de l’office d’éducation de l’ESA, vous coordonnez différents programmes donnant accès à la microgravité et l’hypergravité aux étudiants universitaires européens. En quoi consiste votre travail au quotidien ?
Il consiste à développer, lancer puis coordonner différents programmes pour des étudiants de Master ou des doctorants avec pour but de les motiver à travailler dans le domaine spatial. Chaque année, pour chacun de nos programmes, nous préparons l’appel d’offre et sélectionnons les équipes d’étudiants. Nous suivons la préparation de leurs expériences et participons à leur côté aux campagnes. Enfin, nous les encourageons dans l’analyse et la publication de leurs résultats. Personnellement, je passe une bonne partie de mon temps à évaluer les projets scientifiques et à participer à des télé/vidéo conférences. Je voyage énormément dans toute l’Europe. Depuis que je travaille à l’ESA, je ne fais plus de recherche et pour l’instant cela ne me manque pas du tout. Cela s’explique en partie par le fait que dans mon travail actuel, je garde un pied dans la recherche. En effet, d’une part, lors de la sélection des étudiants pour nos programmes, j’évalue de nombreux dossiers dans tous les domaines scientifiques et d’autre part, lors du suivi des équipes sélectionnées, je visite chaque année plusieurs laboratoires dans différents pays d’Europe. Je participe également à de nombreux congrès internationaux durant lesquels je présente nos programmes et je me tiens au courant de l’évolution de la recherche spatiale. Mes fonctions ont évolué depuis ma prise de poste. Quand j’ai été recrutée, je devais m’occuper d’un seul programme « Fly Your Thesis ! ». Le but de ce programme est d’offrir aux étudiants universitaires européens la possibilité de réaliser une expérience en microgravité durant une campagne de vols paraboliques. Depuis, nous avons développé deux autres programmes « Drop Your Thesis ! » et « Spin Your Thesis ! » permettant respectivement de réaliser une expérience en microgravité dans une tour de chute et une expérience en hypergravité dans une centrifugeuse.
Quand et comment avez-vous été recrutée ?
J’ai été recrutée en janvier 2009 par la société HeSpace pour ce poste à l’ESA. Après ma thèse et pendant 3 ans, j’ai continué à travailler au MRC à Bruxelles en tant que « Research Manager » sur un projet de l’ESA nommé BIOMICS (BIOMImetic and Cellular Systems). Ce premier travail m’avait permis de renforcer mon expertise dans le domaine spatial ainsi que ma connaissance du fonctionnement de l’ESA. Lors de ma recherche d’emploi, j’ai envoyé mon CV à HeSpace pour un poste que je n’ai pas obtenu mais cette société, ayant gardé mon profil, m’a envoyé une proposition de ce poste. Après une interview avec le responsable de l’office de l’éducation à l’ESAC, HeSpace m’a offert un contrat d’un an. Depuis le début de cette année, j’ai un contrat à durée indéterminée. Dans cette aventure, le réseau développé durant ma thèse et mon premier poste, m’a aidé. Au travers des collaborations avec d’autres laboratoires, des conférences internationales et des campagnes de vols auxquelles j’avais participé, j’avais eu l’occasion de rencontrer énormément de personnes travaillant dans le domaine spatial et à l’ESA. Au moment de mon recrutement, je connaissais déjà plusieurs personnes avec lesquelles j’allais devoir collaborer et mon chef actuel en a contacté certaines avant de prendre sa décision. Pour le recrutement, j’ai été en concurrence avec de nombreux ingénieurs et scientifiques provenant de différents pays d’Europe. Mes six années d’expériences dans le domaine de la microgravité ainsi que ma connaissance du fonctionnement de différents programmes de l’ESA, ont certainement fait la différence.
Y-a-t-il des spécificités de recrutement à l’ESA ?
Actuellement, il est très difficile d’être recruté directement à l’ESA lorsqu’on est un jeune scientifique ou ingénieur. Généralement, le premier lien avec cette grosse entreprise européenne se fait au travers d’un YGT (Young Graduate Trainee), stage d’un an au sein d’un des départements de l’ESA ou, comme cela a été mon cas, en tant que salariée d’un prestataire extérieur. Pour travailler à l’ESA il faut impérativement parler anglais. Le français est un atout également car c’est la seconde langue officielle de l’agence. Il faut être prêt à voyager et à vivre à l’étranger. Par exemple, actuellement je suis basée près de Madrid, en Espagne et je pense être appelée à bouger dans les années à venir. La maison mère de l’ESA se trouve en France mais elle ne s’occupe que de la direction et de l’administration. Les départements liés à la recherche spatiale sont basés principalement en Hollande mais également en Allemagne, en Italie et en Espagne. L’ESA est l’endroit idéal pour travailler lorsqu’on est passionné par le domaine spatial. C’est une entreprise très vaste, pleine de ressources où chacun peut trouver sa place. L’ambiance de travail est internationale. Le seul inconvénient ? Nos collègues sont répartis dans différents centres à plusieurs milliers de kilomètres les uns des autres. Il nous arrive donc très souvent de collaborer avec des collègues qu’on n’aura jamais l’occasion de rencontrer.
Quelle est selon vous la valeur ajoutée du doctorat ?
La valeur ajoutée d’un doctorat est énorme. Lors de ma thèse, j’ai appris énormément de choses. Celles qui me servent le plus dans mon travail actuel sont le travail en équipe multiculturelle et interdisciplinaire et savoir mener un projet à bout : de l’idée à la conception jusqu’à la réalisation et l’analyse des résultats.
Quels conseils donneriez-vous aux docteurs qui voudraient postuler dans un poste similaire au vôtre ?
Le conseil que je donnerais aux docteurs serait de mettre, dès à présent, un pied dans la recherche spatiale en participant par exemple à des programmes comme ceux que je coordonne actuellement ou en réalisant après leurs études un YGT à l’ESA ou un stage similaire dans une entreprise ayant un lien avec le spatial. Si ces docteurs sont en fin de thèse et veulent entrer au plus vite dans la vie active, je leur conseille d’envoyer leur CV à différentes entreprises de sous-traitance offrant des postes dans le domaine spatial (comme HeSpace) et de chercher sur le web les annonces. Le site le plus connu est www.space-careers.com/.
Pour en savoir plus :
Interview réalisée par Claudine Prieur en janvier 2010
Egalement dans la rubrique
Contact
Isabelle Grova (isabelle.grova @ upmc.fr)
Département formation & carrières
Escalier G, 2e étage
15 rue de l'école de médecine 75006 Paris
01 44 27 81 98