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Institut de formation doctorale
Collège doctoral Sorbonne Université

Raafa Manai, doctorante en physique des matériaux

Raafa Manai est doctorante en physique chimie des matériaux à l’Université Pierre et Marie Curie (UMPC). Elle effectue son projet doctoral sous la direction de Philippe Bergonzo, dans le cadre du projet européen SNIFFER au sein du laboratoire Capteurs Diamant (LCD) du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) à Saclay. Elle s’est consacrée durant sa thèse à développer un capteur mimant l’olfaction pour la détection de stupéfiants et composés explosifs. En parallèle, Raafa Manai a également effectué des missions de conseil et d’expertise scientifique auprès d’incubateurs de start-ups et accélérateurs d’entreprises. Elle est aussi engagée dans l’association PhD Talent qui a pour but de valoriser et d’améliorer l’insertion professionnelle des jeunes docteurs au sein d’entreprises et industries européennes.

 

Un capteur biomimétique en diamant pour la détection d’explosifs et drogues dures

 

Au cours des quinze dernières années, la lutte contre le terrorisme est devenue un enjeu sociétal majeur. L’identification rapide et efficace des colis piégés est indispensable dans les lieux publics très fréquentés, et donc à risques, tels que les aéroports et les gares. Les contrôles aux frontières aéroportuaires, par exemple, ont largement été intensifiés. Avec son odorat exceptionnel, le chien renifleur reste jusqu’à présent le moyen le plus fiable pour la détection d’explosifs, de drogues et de toute sorte de matériaux dangereux pour la sécurité environnante. Cependant l’utilisation du chien représente de sérieux inconvénients. En particulier, il se fatigue rapidement et ne peut travailler guère plus de 2 à 3 heures par jour. Par ailleurs, il nécessite une formation intense et coûteuse auprès d’un maître-chien. Enfin il est généralement considéré comme intrusif par le public.

Pour pallier à ce problème, le développement d’équipements capables de détecter les composés illicites est devenu essentiel. Notre laboratoire Capteurs Diamant (LCD) [1], situé au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), a élaboré un système basé sur un ensemble de biocapteurs innovants capable de détecter spécifiquement un large panel d’explosifs et de drogues. Ces capteurs vont mimer le système olfactif du chien pour s’en rapprocher le plus possible et permettre de compléter son travail sur le terrain d’investigation. La technologie repose sur l’utilisation de protéines olfactives appelées OBP (odorant binding proteins). Dans la nature, localisées dans le mucus nasal chez les mammifères et au niveau des antennes chez les insectes, elles sont impliquées dans la perception et la reconnaissance de molécules odorantes (figure 1) [2].

 

 

Figure 1 : L’OBP de porc contenant un odorant à l’intérieur de sa cavité. [3]

 

Au laboratoire, ces protéines sont immobilisées chimiquement sur des balances de petites dimensions, ultrasensibles, à base de diamant de synthèse [4],[5]. Un des enjeux des travaux engagés au LCD  a consisté à déposer de façon homogène et reproductible une couche de protéines OBP sur la surface des biocapteurs. Leur bonne immobilisation et leur correcte orientation améliorent le signal de détection. Les OBP sont très stables en température et peuvent subir des variations de conditionnement sans se détériorer. Elles donnent ainsi des capteurs résistants et réutilisables au cours du temps [6].

La fabrication du diamant se fait dans un réacteur à plasma dans des conditions de hautes températures. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le procédé de synthèse de surfaces en diamant est très peu onéreux car il est réalisé à partir d’un simple mélange de méthane et d’hydrogène. Les propriétés physiques et chimiques exceptionnelles du diamant nous permettent d’envisager des détecteurs à la fois miniaturisés, robustes et sensibles. Les capteurs se présentent sous la forme de microleviers [7] de l’épaisseur d’un cheveu (Figure 2). Ces microleviers ont l’apparence de poutres rectangulaires suspendues. Elles sont de petites dimensions : 200 µm de longueur sur 100 µm de largeur, soit une taille environ dix fois plus petite qu’un grain de riz.

Figure 2 : Microlevier en diamant

 

Ces poutrelles sont très sensibles à la masse et à tout changement qui se déroule sur leur surface. Les capteurs sont reliés à un dispositif d’aspiration capable d’inhaler l’intérieur d’un bagage à main par exemple et de piéger les molécules environnantes. Les protéines olfactives OBP immobilisées sur la surface du diamant capturent ces molécules. La détection consiste à mesurer les variations de masse produites suite au dépôt du composé volatile à la surface du microlevier.

Figure 3 : Surface de diamant sur le microlevier

 

Nous avons réussi à détecter un large panel de composés dangereux (explosifs, gaz de combat, cocaïne, cannabis, etc.). La détection peut se faire aussi bien dans un milieu liquide que dans l’air ambiant. Les premiers résultats concernant la détection d’explosifs tels que le TNT sont très encourageants. Pour optimiser et augmenter la sensibilité de notre capteur, nous travaillons aujourd’hui sur plusieurs types de protéines. En effet, il en existe de multiples, provenant de divers mammifères et insectes. Chaque OBP ayant des affinités spécifiques plus ou moins importantes avec certaines odeurs, une échelle de comparaison a dû être effectuée pour trouver l’OBP la plus sensible à chaque composé à détecter. Nous expérimentons également avec des OBP mutantes. Lors de la fabrication et la reproduction en laboratoire de ces protéines, certaines modifications au niveau des terminaisons et des liaisons chimiques ont été apportées pour les rendre plus à même de se lier à des composés spécifiques et d’être ainsi plus sensibles au niveau de la détection. Ces informations sont généralement obtenues par le biais de simulations sur ordinateur. Certaines OBP se sont révélées être très performantes pour la détection de vapeurs explosives dangereuses. C’est le cas de l’OBP de porc qui a été modifiée de façon à être plus spécifique à la détection du DNT [8], un analogue du TNT. D’autres OBP se sont montrées plus sensibles aux drogues. Par exemple, l’OBP provenant du moustique permettrait une meilleure détection de la cocaïne en comparaison des autres OBP.

Par ailleurs, l’approche multi-capteurs ou nez électronique - consistant à insérer dans un même dispositif plusieurs capteurs différents - est utilisée pour obtenir des mesures fiables avec un taux très bas de fausses alarmes. Chaque OBP code pour une odeur spécifique. Cela permet d’obtenir des résultats plus fiables et reproductibles tout en détectant plusieurs substances illicites en même temps.

Le premier prototype de capteurs sera très prochainement évalué dans des conditions réelles de terrain au sein d’un grand aéroport européen. Tous ces travaux s’inscrivent dans le cadre d’un projet collaboratif européen Sniffer [9] financé par la commission européenne visant le développement d’une instrumentation portable venant compléter les chiens renifleurs pour des applications de sécurité et de contrôle de substances illicites. Cette technologie innovante permettra d’améliorer la fiabilité des résultats de détection d’explosifs, drogues et de matériaux de contrebande de manière à protéger davantage les personnes et les biens et à combattre plus efficacement le terrorisme et le grand banditisme.

 

L'article sur l'Huffington post

Plus d'information

Références

[1] http://cnanoidf.org/IMG/pdf/capteur_diamant_labo.pdf (le lien ne fonctionne plus indépendamment de notre volonté)

[2] Persaud, K. C. (2013). Biomimetic Olfactory Sensors.  IEEE SENSORS JOURNAL, 12(11), 3108–3112.

[3] Vincent, F., et al. (2000). Complexes of porcine odorant binding protein with odorant molecules belonging to different chemical classes. Journal of Molecular Biology, 300(1), 127–39.

[4] http://www.cea.fr/jeunes/mediatheque/videos/dossiers/les-diamants-de-synthese

[5] http://www.dailymotion.com/video/xrcibs_les-diamants-de-synthese_tech

[6] http://www.123bio.net/revues/vmatarazzo/

[7] Bongrain, A., et al. (2011). Realisation and characterisation of mass-based diamond micro-transducers working in dynamic mode. Sensors and Actuators B: Chemical, 154(2), 142–149.

[8] Manai, R., et al. (2014). Grafting odorant binding proteins on diamond bio-MEMS. Biosensors and Bioelectronics.

[9] http://www.sniffer-project.eu (le lien ne fonctionne plus indépendamment de notre volonté)

 

16/11/16

Traductions :